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【法语赏析】 Ma Mère

2014-2-13 10:26| 发布者: faneuro| 查看: 7983| 评论: 0

摘要: Chaque homme est seul et tous se fichent de tous et nos douleurs sont une île déserte. Ce n’est pas une raison pour ne pas se consoler, ce soir, dans les bruits finissants de la rue, se consoler, c ...

  Chaque homme est seul et tous se fichent de tous et nos douleurs sont une île déserte. Ce n’est pas une raison pour ne pas se consoler, ce soir, dans les bruits finissants de la rue, se consoler, ce soir, avec des mots. Oh, le pauvre perdu qui, devant sa table, se console avec des mots, devant sa table et le téléphone décroché, car il a peur du dehors, et le soir, si le téléphone est décroché, il se sent tout roi et défendu contre les méchants du dehors, si vite méchants, méchants pour rien.

  Quel étrange petit bonheur, triste et boitillant mais doux comme un péché ou une boisson clandestine, quel bonheur tout de même d’écrire en ce moment, seul dans mon royaume et loin des salauds. Qui sont les salauds ? Ce n’est pas moi qui vous le dirai. Je ne veux pas d’histoires avec les gens du dehors. Je ne veux pas qu’on vienne troubler ma fausse paix et m’empêcher d’écrire quelques pages par dizaines ou centaines selon que ce cœur de moi qui est mon destin décidera. J’ai résolu notamment de dire à tous les peintres qu’ils ont du génie, sans ça ils vous mordent. Et, d’une manière générale, je dis à chacun que chacun est charmant. Telles sont mes mœurs diurnes. Mais dans mes nuits et mes aubes je n’en pense pas moins.

  Somptueuse, toi, ma plume d’or, va sur la feuille, va au hasard tandis que j’ai quelque jeunesse encore, va ton lent cheminement irrégulier, hésitant comme en rêve, cheminement gauche mais commandé. Va, je t’aime, ma seule consolation, va sur les pages où tristement je me complais et dont le strabisme morosement me délecte. Oui, les mots, ma patrie, les mots, ça console et ça venge. Mais ils ne me rendront pas ma mère. Si remplis de sanguin passé battant aux tempes et tout odorant qu’ils puissent être, les mots que j’écris ne me rendront pas ma mère morte. Sujet interdit dans la nuit. Arrière, image de ma mère vivante lorsque je la vis pour la dernière fois en France, arrière, maternel fantôme.

  Soudain, devant ma table de travail, parce que tout y est en ordre et que j’ai du café chaud et une cigarette à peine commencée et que j’ai un briquet qui fonctionne et que ma plume marche bien et que je suis près du feu et de ma chatte, j’ai un moment de bonheur si grand qu’il m’émeut. J’ai pitié de moi, de cette enfantine capacité d’immense joie qui ne présage rien de bon. Que j’ai pitié de me voir si content à cause d’une plume qui marche bien, pitié de ce pauvre bougre de cœur qui veut s’arrêter de souffrir et s’accrocher à quelque raison d’aimer pour vivre. Je suis, pour quelques minutes, dans une petite oasis bourgeoise que je savoure. Mais un malheur est dessous, permanent, inoubliable. Oui, je savoure d’être, pour quelques minutes, un bourgeois, comme eux. On aime être ce qu’on n’est pas. Il n’y a pas plus artiste qu’une vraie bourgeoise qui écume devant un poème ou entre en transe, une mousse aux lèvres, à la vue d’un Cézanne et prophétise en son petit jargon, chipé çà et là et même pas compris, et elle parle de masses et de volumes et elle dit que ce rouge est si sensuel. Et ta sœur, est-ce qu’elle est sensuelle ? Je ne sais plus où j’en suis. Faisons donc en marge un petit dessin appeleur d’idées, un dessin réconfort, un petit dessin neurasthénique, un dessin lent, où l’on met des décisions, des projets, un petit dessin, île étrange et pays de l’âme, triste oasis des réflexions qui en suivent les courbes, un petit dessin à peine fou, soigné, enfantin, sage et filial. Chut, ne la réveillez pas, filles de Jérusalem ne la réveillez pas pendant qu’elle dort. 

  Qui dort ? demande ma plume. Qui dort, sinon ma mère éternellement, qui dort, sinon ma mère qui est ma douleur ? Ne la réveillez pas, filles de Jérusalem, ma douleur qui est enfouie au cimetière d’une ville dont je ne dois pas prononcer le nom, car ce nom est synonyme de ma mère enfouie dans de la terre. Va, plume, redeviens cursive et non hésitante, et sois raisonnable, redeviens ouvrière de clarté, trempe-toi dans la volonté et ne fais pas d’aussi longues virgules, cette inspiration n’est pas bonne. Ame, ô ma plume, sois vaillante et travailleuse, quitte le pays obscur, cesse d’être folle, presque folle et guidée, guindée morbidement. Et toi, mon seul ami, toi que je regarde dans la glace, réprime les sanglots secs et, puisque tu veux oser le faire, parle de ta mère morte avec un faux cœur de bronze, parle calmement, feins d’être calme, qui sait, ce n’est peut-être qu’une habitude à prendre ? Raconte ta mère à leur calme manière, sifflote un peu pour croire que tout ne va pas si mal que ça, et surtout souris, n’oublie pas de sourire. Souris pour escroquer ton désespoir, souris pour continuer de vivre, souris dans ta glace et devant les gens, et même devant cette page. Souris avec ton deuil plus haletant qu’une peur. Souris pour croire que rien n’importe, souris pour te forcer à feindre de vivre, souris sous l’épée suspendue de la mort de ta mère, souris toute ta vie à en crever et jusqu’à ce que tu en crèves de ce permanent sourire. 

—— Extrait du Livre de ma mère d’Albert Cohen



法语美文-我的母亲中文翻译



我的母亲



人人孤独,相互轻视,我们的痛苦是座荒岛。但这并非是无法安慰自己的理由,安慰自己,是在今晚,在街上喧闹声渐渐消停之时,是今晚用词语来安慰自己。哦,可怜的落拓者,在书桌前用词语安慰自己,他坐在书桌前,把电话听筒取下,因为他害怕外面的世界,而在晚上,如果电话听筒已经取下,他就感到自己就是国王,不会受到外面恶人的攻击,那些人变成恶人是说变就变,而且是无缘无故地作恶。



这小小的幸福多么奇特,忧伤而不可靠,却又十分甜蜜,如同犯下罪孽或偷喝美酒,但在此刻潜心写作仍然多么幸福,独自在我的王国之中,远离那些坏蛋。那些坏蛋是谁?这不是由我来告诉你们。我不希望跟外面的人惹事生非。我不希望别人来打扰我虚假的宁静,不让我写下一页页文字,是写几十页还是几百页,那要由我的心情即我的命运决定。我尤其决定要对所有的画家说他们才华横溢,以免他们反咬你一口。通常我会对每个人说他们个个可爱迷人。这是我白天的待人之道。但到了夜里和黎明时分,我的想法就完全不同。



我金贵的羽笔,你雍容华贵,在我还有些许青春活力之时,你就在纸上行走,随意行走,慢慢地走着你那无规可循之路,像梦游一般犹豫不决,你走得歪斜,却受人控制。你走吧,我爱你,我唯一的安慰,你走在一页页纸上,忧郁的我在字里行间得到满足,斜视一眼,我感到恋恋不舍的快乐。是的,词语,我的安身之处,能给人安慰,能让人解恨。但它们不能把我母亲交还给我。我写下的词语,尽管充满往日在太阳穴里奔腾的热血,尽管香气扑鼻,也不能使我母亲死而复生。这是夜里禁忌的话题。消逝吧,我母亲生前的形象,我是在法国见到她最后一面,消逝吧,母亲的幽灵。



我坐在书桌前,看到桌上井井有条,我有热咖啡喝,还有刚点燃的香烟,我见打火机好使,羽笔写起来舒畅,我坐在炉火旁边,又有猫咪陪伴,我突然感到极其幸福,不由心情激动。我觉得自己可怜,可怜自己竟会像孩子一般狂喜,这并非是好的兆头。我觉得可怜,自己竟然因羽笔好写而如此高兴,怜悯这可怜而又正直的心,它希望摆脱痛苦,并想找到一个爱的理由,以便生活下去。我在片刻间处于资产者的一小片绿洲之中,感到怡然自得。但痛苦仍在绿洲之下,无法忘怀。不错,我感到怡然自得,是因为在片刻间成了资产者,如同他们一样。人就是这样,不是那种人,却偏要变成那种人。真正的资产阶级女士,艺术鉴赏力比谁都强,她读到一首诗就兴致勃勃,夸夸其谈,看到塞尚的一幅画就激动万分,说得唾沫四溅,并作出种种预言,说的是她那微不足道的行话,这些话是她道听途说而来,连她自已也一知半解,她谈论绘画中的色块和门幅,并说这红色多么性感。那你妹妹是否性感?我不知道自己扯到哪里去了。我们就在纸页的白边上画一幅小小的画,这画能唤起一些想法,能令人感到宽慰,这小小的画萎靡不振,慢慢画出,我们在其中作出决定和计划,这小小的画是奇特的岛和灵魂之乡,是忧郁的绿洲,愁思随其条条曲线在画中起伏,这小小的画有点疯狂,画得精致,充满稚气,听话而又孝顺。嘘!你们别吵醒她,耶路撒冷的姑娘们,她睡觉时,你们别吵醒她。



谁在睡觉?我的笔问道。如果不是我长眠的母亲,又有谁在睡觉,如果不是使我痛苦的我的母亲,又有谁在睡觉?你们别唤醒我的痛苦,耶路撒冷的姑娘们,它埋在一座城市的公墓里,我不应该说出这城市的名称,因为这名称是我入土的母亲的代名词。写吧,羽笔,你要重新写出龙飞凤舞的草书,别犹豫不决,你要理智,重新成为制造光明的工匠,你要饱蘸意志的墨水,别作出一个个如此长的停顿,这种灵光一现的念头不是很好。哦,我的羽笔,你是灵魂的化身,你要勇敢而又勤劳,要离开黑暗之地,你别再疯狂,你近于疯狂又有人引导,而且病态地夸张。而你,我唯一的朋友,我在镜子里看着你,你要强忍无泪的抽泣,既然你想大胆地干,你就说说你故世的母亲,装出一副铁石心肠去说,心平气和地说,装出平静的样子,又有谁会知道,这也许只是一种必须养成的习惯?你说说你的母亲,就像他们那样平静,你要轻轻地吹着口哨,以便相信一切都不是这样糟糕,尤其要露出微笑,你可别忘了微笑。你用微笑来掩饰自己的失望,你靠微笑来活下去,你要照着镜子微笑,在众人面前微笑,甚至对着这张纸微笑。你要怀着比害怕更为难受的悲伤微笑。你微笑是要相信,什么事都不重要,你微笑是要迫使自己装出活着的样子,你头上高悬着你母亲的死亡之剑还得微笑,你要终生微笑直至笑死,直至死于这永恒的微笑。

---------- 摘自阿尔贝·科恩《我母亲的书》

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